Le premier entretien et les suivants

En fait je reviens à ce qui fait un peu la spécificité de ma situation à moi dans la mesure où j’ai affaire à des élèves ou alors à des jeunes étudiants qui se destinent à être professeurs et donc ils sont à cent lieues en général de cette posture d’apprenant en autodirection. Et donc tout le travail dans les premières séances, ça va être de les aider à rentrer dans cette posture d’enseignant pour eux-mêmes en quelque sorte et c’est pas simple. Il faut pas compter sur le discours pour y parvenir, et c’est bien ce que l’on va faire dans les premières séances, ce qu’on va faire ensemble, qu’on a véritablement la possibilité de construire cette posture là, de les mettre dans cette posture là. Et c’est une affaire un peu compliquée mais qui est passionnante. C’est-à-dire que quand on détermine avec eux des objectifs, quand on essaie de faire le tour des ressources dont ils ont besoin, quand on essaie de voir avec eux quel temps ils entendent passer à leur apprentissage, à quel moment dans la journée etcetera, toutes ces questions là qui sont des questions précises qui sont en quelque sorte un protocole incontournable pour les premières séances, elles sont les occasions de construire cette posture là.

Lors du premier entretien ce que je fais c’est que j’invite l’apprenant à exprimer ses besoins, à exprimer quel est son projet avec la langue et à partir de ça de transformer ses besoins en objectifs, de l’aider à prioriser ses objectifs parce que parfois un apprenant arrive avec un besoin comme je veux parler l’anglais et puis on va l’aider à définir plus précisément ce qu’il entend par je veux parler anglais. Parfois parler anglais et bien il s’avère que c’est écrire l’anglais donc.

En général le premier entretien consiste déjà à prendre connaissance. L’important c’est que ce sont des entretiens qui se passent entre deux individus, qui ont évidemment besoin d’apprendre à se connaître, donc d’abord toute première chose prise de connaissance. Il y a des échanges qui portent sur l’identité de l’apprenant, ce qu’il fait, pourquoi il est venu, quels sont ses besoins et on détermine donc ensemble, de façon très fine les besoins de l’apprenant que l’on transforme en objectifs. C’est-à-dire que c’est parce que vous voulez apprendre beaucoup de choses que vous allez pouvoir le faire dans le temps limité qui vous est imparti. Donc c’est ce qu’on appelle donc définir des objectifs, faire des priorités, dire ce qui est le plus important, par quoi on va commencer, voilà. Donc ça c’est la détermination d’objectifs. Et puis dans un deuxième temps, qui est évidemment très lié, déterminer sur quelles ressources l’apprenant va pouvoir commencer à travailler puisqu’il faut qu’il commence à apprendre la langue pour pouvoir réfléchir à son apprentissage. Donc déterminer des ressources, des moments auxquels il va venir travailler, est-ce qu’il travaille chez lui, est-ce qu’il vient travailler au centre, voilà, il y a énormément de variations dans toutes ces dimensions là. C’est ce qui fait que l’apprentissage auto-dirigé est totalement individualisé.

Le premier entretien c’est comme la première rencontre de n’importe qui, il y a une prise de contact nécessaire, inévitable. Ensuite le premier entretien sert à commencer à déterminer la démarche possible de l’apprenant, donc ça va servir à élucider les pourquoi, pourquoi il se retrouve là, qu’est-ce qui fait qu’il veut apprendre la langue X ou la langue Y, qu’est-ce qu’il va en faire, quels sont les moyens dont il dispose, qu’est-ce qu’il aime faire, qu’est-ce qu’il n’aime pas faire, comment il envisage lui au départ d’apprendre, à quels moments on va travailler. Il y a aussi toute une explication sur ce que c’est qu’apprendre en autodirection, en particulier l’explicitation de ce que c’est que le rôle de cet entretien qu’on est en train d’avoir, c’est pas un cours particulier, c’est pas une leçon individuelle, ça apporte autre chose, et donc cet apport c’est dans le domaine quand est-ce que je vais travailler, combien de temps je vais travailler, combien de temps j’ai pour travailler, quelle est mon échéance, quelles sont mes contraintes, est-ce qu’il faut que j’apprenne très vite ou est-ce que j’ai un projet d’ici trois ans donc j’ai le temps de voir venir. Est-ce que je peux travailler le matin, est-ce que je peux travailler le soir, est-ce que je peux travailler chez moi, est-ce que je peux travailler dans un centre de ressources. Il y a toutes les questions des moyens qui viennent se greffer, que l’on aborde dans le premier entretien mais le premier entretien n’est pas destiné à épuiser la question, il est destiné à démarrer l’apprentissage, il est aussi destiné à éclaircir les conditions de l’apprentissage dans un contexte d’autodirection.

C’est lors des entretiens suivants que j’interroge les apprenants sur ce qu’ils ont fait, que je constate s’ils ont appliqué mes conseils ou pas, s’ils ont suivi les façons de faire que je leur avais proposées ou s’ils ont testé d’autres choses, des choses qui leur semblaient plus pertinentes et plus cohérentes, et puis on va discuter de ça, de ces façons de faire, on va voir si ça leur a été utile ou pas, et puis si ça leur a pas été utile c’est le moment d’en rediscuter, de réfléchir ensemble à d’autres exploitations possibles, à d’autres ressources.

Si lors du premier RDV j’ai le sentiment que le conseiller explique beaucoup de choses, lors des RDV suivants ça part vraiment de ce que l’apprenant a fait des outils qu’il utilisés, des documents qu’il a exploités, de la façon dont il les a exploités.

Les rendez-vous suivants sont beaucoup moins préparés par le conseiller au sens où l’initiative est largement celle de l’apprenant. Dans le meilleur des cas, dans mon idéal d’un entretien, c’est l’apprenant qui mène l’entretien, donc les déroulements peuvent être extrêmement variés. Mais il y a une phase qui existe sous une forme un tout petit peu embryonnaire dans le premier entretien, c’est la phase d’historique, c’est-à-dire qu’est-ce qu’il s’est passé entre le dernier entretien et l’entretien actuel.