Qu’est-ce que le conseil?

Sam-Michel Cembalo explique ce qu’est faire du conseil avec un apprenant, et ce que ce n’est pas.

Transcription

C’est un apport sur différents domaines. C’est un apport qui parfois ressemble à de l’enseignement parce qu’il y a de l’apport d’informations. Il y a d’autres apports qui sont de type méthodologique c’est-à-dire comment faire, avec quoi quand faire, à quel endroit faire, quoi faire avec quoi, donc des choses qui sont plus dans le domaine d’un apport d’une forme d’expertise, mais au sens vulgarisé du terme, d’expertise technique. En fonction des objectifs qu’on a pu déterminer avec l’apprenant on va commencer à lui fournir des suggestions, le terme suggestion est important parce que dans le vocabulaire du conseiller il y a un mot, une locution qui est bannie c’est il faut. Il faut jamais, on peut, c’est plus justifié. Donc essayer de lui fournir une palette, un choix d’activités, de documents de travail pour qu’il puisse débuter son apprentissage.

Est-ce que le conseiller fait un diagnostic ?

C’est pas la responsabilité du conseiller que de diagnostiquer, c’est la responsabilité du conseiller de fournir à l’apprenant les instruments qui lui permettent à lui de faire son diagnostic en fonction de ses critères, que souvent il n’a pas à l’esprit de manière explicite. Le rôle du conseiller c’est pas de dire à l’apprenant ça tu sais pas, c’est de dire à l’apprenant regarde si tu es capable de voir ce que tu sais et ce que tu sais pas, regarde si tu penses qu’il te manque quelque chose pour arriver à faire ce que tu as envie de faire.

Emmanuelle Carette décrit ce qu’est faire du conseil avec un apprenant, et l’objectif de cette pratique.

Transcription

Le conseil est en fait une aide à déterminer des objectifs d’apprentissage, organiser matériellement, même aussi dans le temps, dans l’espace, organiser l’apprentissage, choisir des ressources, choisir des activités d’apprentissage, apprendre à évaluer ce qu’on a fait. Le conseil consiste à aider à réfléchir à l’apprentissage donc ça ne peut se faire que lorsque l’apprenant a fait quelque chose, et ce “faire quelque chose” c’est en fait apprendre la langue, lorsque l’apprenant apprend la langue, s’engage dans des activités il a quelque chose à dire par rapport à  ce qu’il a fait et il a matière à réfléchir. Donc le conseil consiste à solliciter de la part de l’apprenant un discours sur ce qu’il a fait, de façon à ce qu’il puisse réfléchir dessus. Le conseiller a pour mission de l’emmener plus précisément plus finement dans l’analyse de ce qu’il a fait pour pouvoir orienter la suite de l’apprentissage, pour pouvoir rendre l’apprenant conscient de ce qu’il a fait et de la pertinence de ce qu’il a fait par rapport à son projet. Il s’agit en fait d’accompagner le développement d’un projet.

L’objectif est de toutes façons de le rendre de plus en plus autonome et donc qu’il ait de moins en moins besoin du conseil.

Rachel Viné-Krupa décrit en quoi consiste le conseil.

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Conseiller c’est accompagner l’apprenant dans l’expression de ses besoins et dans la définition de ses objectifs d’apprentissage. C’est lui permettre de hiérarchiser ses objectifs et puis de les étaler dans le temps, c’est lui proposer des supports sur lesquels il pourra travailler et puis pas seulement lui proposer des supports mais lui permettre de développer des critères de choix parmi ces supports là, lui proposer des façons de faire, des stratégies pour qu’il puisse exploiter ses documents. C’est l’accompagner dans tout son parcours.

C’est aussi comprendre le projet de l’apprenant, c’est être à l’écoute de ses doutes, c’est aussi être là pour le motiver parce que voilà parce que sur des formations qui durent quelques mois la motivation elle s’estompe un peu dans le temps.
C’est lors des rendez-vous, entretiens de conseil on présente aussi à l’apprenant les différents outils dont il peut se servir pour exploiter un document, comme par exemple Internet, comment utiliser un dictionnaire bilingue, un dictionnaire unilingue, comment utiliser un corpus, c’est des outils qui permettent aussi de travailler et qui vont lui être utiles durant la formation donc durant les entretiens de conseil on fait aussi ce genre de choses.

Claude Normand explique des différences entre le conseil et l’enseignement.

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En quoi conseiller est différent d’enseigner ?

Moi qui viens d’un statut de professeur traditionnel, qui d’une certaine façon, venait dans un premier temps dispenser un savoir, si je veux être conseiller il faut que je rentre dans une autre logique, c’est-à-dire que je pourrai bien conseiller tout ce que je voudrai, celui qui est responsable c’est celui qui apprend, et c’est lui qui est le payeur. Donc il faut que je reste dans cette logique et que je le mette dans cette logique, c’est-à-dire que je vais me retrouver souvent, dans la position, parce que je travaille avec des scolaires, dans la position de quelqu’un qui est vu comme celui qui sait, qui sait ce que l’apprenant veut apprendre. Or, mon travail ça va être de le mettre dans une situation de responsabilité, et c’est pour ça, d’une certaine façon, moi je dois descendre un petit peu de mon piédestal par rapport à mes représentations de ce qu’est le rôle du prof.

Un adolescent qui devant vous vous dit ben voilà dans les quinze jours qui viennent je vais faire ça et puis s’en va, et puis vous le retrouvez quinze jours après, et il a pas fait ce qu’il avait dit qu’il ferait. Mais à la façon qu’il a de vous le dire à vous, vous vous rendez compte si vous êtes encore un conseiller ou si vous êtes redevenu un prof. C’est-à-dire qu’il peut être dans une situation de culpabilisation qui d’une certain façon est un petit peu en décalage par rapport à l’idée qu’on se fait de l’autodirection.

Moi je vais, en fonction de ses objectifs à lui, je vais lui apporter des conseils, dans le sens où je vais mettre à sa disposition des possibles, mais en aucun cas lui dicter une façon de faire, une façon d’être, un parcours. Au contraire, et ça c’est une chose que j’ai apprise avec ce travail là, c’est toujours donner plusieurs possibilités de façon à renvoyer la responsabilité à celui qui apprend. Et donc ça c’est une des premières caractéristiques pour moi du conseil, c’est lui ouvrir des possibles et puis le laisser en responsabilité par rapport à ces possibles là. Et puis lui apporter de l’information évidemment parce que pour faire ces choix là, il y a des informations que moi j’ai et que lui n’a pas qui ne sont pas de l’ordre des savoirs à reproduire mais de l’ordre des savoirs qui éclairent l’action.

L’information que moi je vais lui apporter elle sera dépendante de l’analyse que je vais faire avec lui de la situation dans laquelle il est. Et cette analyse là porte sur l’état du parcours, si on est au début, si on est en cours d’apprentissage, et c’est cette analyse qui effectivement va me permettre à moi de dégager avec lui des pistes possibles.

C’est saisir les indices, et puis décoder, et une fois qu’on a compris les représentations qu’il se faisait des choses et bien travailler sur ces représentations avec lui, par rapport aussi à l’objectif qu’il s’est donné. Je donne un exemple c’est vrai que moi j’ai vu partir après le premier entretien des jeunes gens qui s’étaient donné comme objectif de travailler à l’usage de la langue dans une situation précise, par exemple de compréhension, et revenir quinze jours après en me disant qu’ils avaient réussi à trouver une grammaire de la langue en question et qu’ils avaient travaillé sur les dix premières pages de la grammaire, c’est-à-dire qu’ils avaient totalement abandonné leur objectif de départ qui était un objectif d’usage de la langue.

Et donc c’est bien dans les discussions avec eux, dans le travail de conseil, qu’on va interroger ces réflexes là qui sont comme inscrits dans les gênes de celui qui a déjà passé quinze ou vingt ans dans le système scolaire.

A propos du conseil

Le conseil à l’apprentissage des langues est une pratique d’accompagnement qui diffère de l’enseignement sur de nombreux points. Il vise le développement de l’autonomie d’apprentissage de l’apprenant, et en cela est bien moins directif que le cours de langue, laissant à l’apprenant d’amples libertés de choix. Reinders (2008 : 14) souligne d’ailleurs l’étendue des possibilités offertes par la situation de conseil :

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