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Je voyais bien que le premier entretien ne fonctionnait pas, j’arrivais pas à le mettre dans la posture de l’auto-direction, et je le revois une deuxième fois et il me dit ben voilà, j’ai acheté un livre de grammaire et je commence à apprendre les déclinaisons en allemand. Et donc on revient à ses objectifs, quels étaient vos objectifs ? Mes objectifs c’est de me débrouiller en Allemagne quand je vais y passer des week-ends. Alors quel rapport il y a entre votre apprentissage des déclinaisons et puis votre objectif ? Alors évidemment un peu difficile. Et il commence à me dire mais alors ça veut dire que moi je peux faire autre chose que ce qu’on a toujours fait pour moi pour que j’apprenne des langues ? Ben je dis oui, on va commencer à poser les questions, je vous passe les détails, on commence à poser effectivement sur la table ses objectifs, ce qu’on pouvait éventuellement faire etcetera. Et voilà, mon lascar il s’en va et il revient quinze jours après, il avait commencé à s’enregistrer à partir de petits films qu’il avait récupérés sur Internet, à enregistrer des productions en allemand et il avait pris des contacts avec des germanophones et il me demandait ce qu’il pouvait en faire, enfin bref, il était engagé dans le processus. Et donc ça c’est vraiment un grand souvenir parce que c’est quelqu’un qui ne se faisait pas confiance, qui pensait que y avait que les autres pour lui faire apprendre des langues, il s’est débrouillé tout seul.
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Les moyens ils sont déjà chez l’apprenant, c’est-à-dire il sait faire un certain nombre de choses, souvent il sait faire beaucoup beaucoup de choses mais il sait pas qu’il peut décider de les utiliser, parce que il n’a jamais eu l’occasion, parce que dans le système éducatif on laisse rarement une initiative disons développée aux élèves. Donc les gens à l’issue d’une histoire d’apprentissage assez longue ils arrivent sans se douter qu’ils sont capables d’apprendre seuls parce qu’ils ont déjà fait beaucoup d’activités d’apprentissage. Généralement on ne pense pas qu’on apprend en dehors de l’école. On ne pense pas qu’on a appris quatre-vingt quinze pour cent des choses qu’on sait en dehors de l’apprentissage scolaire.
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Par exemple une apprenante qui pendant que je l’accompagnais dans son apprentissage de l’anglais s’est mise elle-même à conseiller, à transposer les conseils que je lui donnais, à les transférer à son compagnon. Elle me racontait à chaque rendez-vous que ce qu’elle avait fait au centre elle le faisait chez elle avec son mari qui souhaitait lui même se former à l’anglais. Donc ça je trouve que c’est une belle chose parce que c’est un transfert de compétences et puis elle-même est devenue conseillère pour son mari donc ça c’est un beau souvenir. En fin de formation j’ai eu aussi un apprenant qui m’a dit que maintenant qu’il avait appris l’anglais il allait faire la même chose lui-même avec l’arabe. Donc il avait déjà quelques notions d’arabe, et il m’a expliqué qu’il allait lui-même chercher des supports et se mettre à appliquer ce qu’il avait fait avec l’anglais pour l’arabe donc ça je trouve ça assez chouette.
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Une apprenante qui à la deuxième ou troisième rendez-vous m’a dit qu’elle pensait pas qu’elle était capable de faire ce qu’elle faisait, elle imaginait pas qu’elle pouvait apprendre toute seule, et puis elle s’est rendue compte qu’elle pouvait faire des tas de choses, en fait qu’elle avait pas besoin d’un enseignant pour ça. Sur le moment je me suis dit ah on sert à quelque chose et j’ai été sur le moment extrêmement content, ravi de l’entendre.
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Une étudiante de français langue étrangère avec qui je pensais pouvoir parler anglais et en fait je m’étais trompée sur cette possibilité donc nous n’avions pas de langue commune, pas de langue véhiculaire suffisante pour nous comprendre. Dans ce cas là le conseil est impossible donc il faut essayer de faire quelque chose, d’amener petit à petit à faire du conseil et c’est impossible donc on se heurte à une impossibilité. Tout ce que j’avais réussi à lui faire comprendre à cette apprenante c’était que j’étais pas là pour corriger ses fautes, donc qu’elle vienne me voir en ayant déjà repéré les endroits où elle avait des problèmes donc c’est ce qu’elle faisait, elle était plutôt stakhanoviste, elle travaillait énormément, elle était débutante en français au départ, et donc elle avait pris, j’avais été obligée de lui donner une méthode de français parce que ce qu’on fait en général c’est plutôt qu’on prend des morceaux de ce qui nous intéresse à droite et à gauche mais là comme il y avait aucune possibilité de lui expliquer le pourquoi du comment en fait elle avait adopté une méthode et elle faisait absolument tout, ce qui du point de vue de l’apprentissage n’est absolument pas nécessaire puisqu’il n’était pas nécessaire qu’elle s’engage dans tous les exercices qui étaient proposés. J’avais essayé de le lui dire, elle m’avait fait oui oui poliment et puis elle était repartie et chaque fois elle revenait en ayant fait tous les exercices et en ayant surligné ce sur quoi elle voulait encore des explications. Donc c’était pas de l’apprentissage autodirigé, mais il a fallu que ce soit comme ça pendant plusieurs fois, enfin pendant déjà toute une série de conseils, cela faisait 8 ou 9 entretiens de conseil, elle s’est réinscrite, parce qu’ elle aimait bien, elle trouvait que c’était très bien, à la fin de la deuxième série elle commençait à progresser quand même suffisamment on commençait à pouvoir un petit peu discuter de ce qu’elle faisait, mais elle lâchait pas, elle était passée au tome suivant de la méthode et elle le lâchait pas, j’avais beau lui proposer d’autres choses elle faisait pas, voilà ça c’était un souvenir très très pénible mais qui en fait était lié à une mauvaise évaluation au départ des conditions dans lesquelles allait se passer cet apprentissage. On avait cru qu’on pourrait communiquer en anglais, et on ne pouvait pas le faire.
Quelques cas d’apprenants
Gremmo (1995, 55-60) rapporte différents cas d’apprenants et les réactions des conseillers.