Valorisation de la responsabilité de l’apprenant

Claude Normand explique des différences entre le conseil et l’enseignement.

En quoi conseiller est différent d’enseigner ?

Moi qui viens d’un statut de professeur traditionnel, qui d’une certaine façon, venait dans un premier temps dispenser un savoir, si je veux être conseiller il faut que je rentre dans une autre logique, c’est-à-dire que je pourrai bien conseiller tout ce que je voudrai, celui qui est responsable c’est celui qui apprend, et c’est lui qui est le payeur. Donc il faut que je reste dans cette logique et que je le mette dans cette logique, c’est-à-dire que je vais me retrouver souvent, dans la position, parce que je travaille avec des scolaires, dans la position de quelqu’un qui est vu comme celui qui sait, qui sait ce que l’apprenant veut apprendre. Or, mon travail ça va être de le mettre dans une situation de responsabilité, et c’est pour ça, d’une certaine façon, moi je dois descendre un petit peu de mon piédestal par rapport à mes représentations de ce qu’est le rôle du prof.

Un adolescent qui devant vous vous dit ben voilà dans les quinze jours qui viennent je vais faire ça et puis s’en va, et puis vous le retrouvez quinze jours après, et il a pas fait ce qu’il avait dit qu’il ferait. Mais à la façon qu’il a de vous le dire à vous, vous vous rendez compte si vous êtes encore un conseiller ou si vous êtes redevenu un prof. C’est-à-dire qu’il peut être dans une situation de culpabilisation qui d’une certain façon est un petit peu en décalage par rapport à l’idée qu’on se fait de l’autodirection.

Moi je vais, en fonction de ses objectifs à lui, je vais lui apporter des conseils, dans le sens où je vais mettre à sa disposition des possibles, mais en aucun cas lui dicter une façon de faire, une façon d’être, un parcours. Au contraire, et ça c’est une chose que j’ai apprise avec ce travail là, c’est toujours donner plusieurs possibilités de façon à renvoyer la responsabilité à celui qui apprend. Et donc ça c’est une des premières caractéristiques pour moi du conseil, c’est lui ouvrir des possibles et puis le laisser en responsabilité par rapport à ces possibles là. Et puis lui apporter de l’information évidemment parce que pour faire ces choix là, il y a des informations que moi j’ai et que lui n’a pas qui ne sont pas de l’ordre des savoirs à reproduire mais de l’ordre des savoirs qui éclairent l’action.

L’information que moi je vais lui apporter elle sera dépendante de l’analyse que je vais faire avec lui de la situation dans laquelle il est. Et cette analyse là porte sur l’état du parcours, si on est au début, si on est en cours d’apprentissage, et c’est cette analyse qui effectivement va me permettre à moi de dégager avec lui des pistes possibles.

C’est saisir les indices, et puis décoder, et une fois qu’on a compris les représentations qu’il se faisait des choses et bien travailler sur ces représentations avec lui, par rapport aussi à l’objectif qu’il s’est donné. Je donne un exemple c’est vrai que moi j’ai vu partir après le premier entretien des jeunes gens qui s’étaient donné comme objectif de travailler à l’usage de la langue dans une situation précise, par exemple de compréhension, et revenir quinze jours après en me disant qu’ils avaient réussi à trouver une grammaire de la langue en question et qu’ils avaient travaillé sur les dix premières pages de la grammaire, c’est-à-dire qu’ils avaient totalement abandonné leur objectif de départ qui était un objectif d’usage de la langue.

Et donc c’est bien dans les discussions avec eux, dans le travail de conseil, qu’on va interroger ces réflexes là qui sont comme inscrits dans les gênes de celui qui a déjà passé quinze ou vingt ans dans le système scolaire.

le conseil